Les bugnes du Sud-Est, dont les cousines proches sont les merveilles du Sud-Ouest de la France1 et en Vallée d’Aoste2, sont originellement une spécialité culinaire du duché de Savoie, qui a fini par s’étendre dans toute la zone de locution de l’arpitan, notamment Lyon, le Dauphiné, la Vallée d’Aoste, la Vallée du Rhône, Saint-Étienne et en Franche-Comté (jusqu’au centre-est de la France et dans les vallées francophones transalpines de la Vallée d’Aoste). Il s’agit d’une petite pâtisserie de la famille des beignets.
Elles sont proches des merveilles.
Histoire du nom « bugne »
Le mot bugne est la francisation du terme arpitan bunyi (féminin) et désigne justement le beignet. Les deux mots ont une origine identique, mais le traitement par chacune des langues (à savoir l’arpitan et le français) s’est fait différemment. Aujourd’hui, en français régional, le mot bugne s’est spécialisé dans ce type bien particulier de beignet tandis que le mot français beignet désigne tous les autres types de beignets.
Dans la première édition de Pantagruel, publiée à Lyon en 1532, François Rabelais mentionne les bugnes parmi les plats de la cuisine lyonnaise : « saucissons, cervelas, jambons, andouilles, hures de sangliers, gigots à l’aillade, fressures, fricandeaux, gras chapons au blanc mangier, hochepots, carbonades, cabirotades, hastereaux, gibiers à poil et à plumes, esclanches (gigot farci), carpes farcies, lavarets, recuites (fromages aromatisés avec des feuilles de pêcher), craquelins et macarons (pâtisseries sèches), pâtes de fruit, bugnes, etc»3.
La sixième édition, publiée en 1835, du Supplément au Dictionnaire de l’Académie française, ne connaît le terme qu’au féminin pluriel, qu’il définit ainsi : « Il se dit, dans quelques villes du midi de la France, d’une pâte faite avec de la farine, du lait et des œufs, que l’on roule en forme de boudin en l’entrelaçant, et que l’on fait frire à l’huile. » Y figure également l’existence du « dimanche des bugnes »4, à Lyon et ses environs5.
Dans le Larousse de l’argot et français populaire, le mot bugne désigne au sens figuré : « une mandale, un coup de boule dans la tronche, un coup droit dans les artiches ». Le glissement de sens est sans doute lié au côté étouffe-chrétien du gâteau d’origine. Par extension, le mot peut désigner également une bosse à la tête (forme du gâteau) ou s’employer transitivement dans des expressions du type « bugner sa bagnole » (lui faire une bosse).
Historique
L’origine des bugnes est très ancienne : il s’agissait déjà d’une spécialité dans la Rome antique qui se dégustait à l’époque du carnaval. En italien, on les appelle chiacchiere.
Traditionnellement, à Saint-Étienne, les charcuteries proposaient des bugnes juste avant le mardi gras afin de se rappeler au bon souvenir des Stéphanois qui allaient commencer le carême et donc délaisser leurs commerces. Les particuliers avaient également l’habitude d’en faire, afin de ne pas gâcher les matières grasses (huile de cuisson) dont l’usage était interdit par le carême. De nos jours, les boulangeries les proposent également, mais en respectant tout de même l’époque de mardi gras.
Dans Les vieilleries lyonnaises, Nizier du Puitspelu affirme qu’au xixe siècle, les bugnes étaient à Lyon également associées à la période du carême, le dimanche des brandons y étant appelé « dimanche des bugnes »6. À cette époque,
« les bugnes ne contenoient ni laict, ni beurre, ni œufs, et se faisoient avec de la farine, de la levûre de bière ou de grain ensemble délayé dans de l’eau et frit dans l’huile ; le tout est de bien frire. »
— Louis, sieur des Guénardes
Il les mentionne comme un des agréments des vogues : « des vapeurs huileuses qui vous prennent aux poumons annoncent une cuisine de bugnes en plein vent. Le mince anneau de pâte, un peu plus grand qu’une bague, jeté dans la friture, grandit, se gonfle, se gonfle encore et devient une grosse bugne dorée, craquante6. »
Notes et références
1- Francine Claustres, Secrets et recettes de toute la cuisine gasconne, Luçon, Sud Ouest, 1997.
2- Site de l’Office du tourisme de la région automone Vallée d’Aoste [archive].
3- Citation de François Rabelais in Félix Benoit, Lyon secret, éditions des traboules, 1993, p. 189
4- Il s’agit du dimanche qui suit le Mardi gras.
5- Supplément au Dictionnaire de l’Académie Française, Paris, 1835, 6e édition lire en ligne [archive].
6- a et b Nizier du Puitspelu, Les vieilleries lyonnaises, Lyon, Jean Honoré Éditeur, 1980, 2e éd. (1re éd. 1891), 398 p., « Les Bugnes », p. 165-175.
Voir aussi
Bibliographie
Le Littré de la Grand’Côte, de Nizier du Puitspelu, 1894. Rééditions récentes : Jean Honoré, Lyon, 1980 ; Éditions lyonnaises d’art et d’histoire, Lyon, 2000 ( (ISBN 2-84147-094-6)), éd. Elah 2002.
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